Stephane Guillon a encore frappé. Les gros yeux de Philippe Val, le patron de France Inter n'ont pas suffi, le froncement de sourcil de celui qui n'a pas osé prendre l'avion pour se rendre en Pologne après les prémonitions du dit chroniqueur, non plus.
Dans ces cas là, les impétueux, pour les "tempérer" on leur propose une médaille. Parce qu'une médaille c'est toute une ambiance:
-Bonjour, ici le secrétériat de l'attaché culturel de la Préfecture, je vous passe le collaborateur du chef de cabinet:
-Bonjour, Octave de la Rondejambe, je vous passe le chef de cabinet de M. le Préfet, ne quittez pas.
Une minute et trois poussières plus tard:
-Bonjour, Jacques-Antoine Dutourd de la Taille, vous avez été pressenti par le ministre chargé des Charters en Aller Simple pour recevoir une distinction.
-Non?
-Si, si.
-Non.
-Il le faut! D'ailleurs le ministre...
-Après tout ce que j'ai dit.
-Etre nommé ministre, exige de savoir tourner les pages...
-Une page oui, mais un menton... Il ne peut pas l'oublier, chaque matin dans la glace c'est le même problème: il a l'impression de le voir faire demi-tour dès qu'il le regarde...
-Son menton est fuyant, voulez-vous dire?
-Bravo! Et il y avait aussi ces petits yeux perçants de rongeur...
-De fouine?
-Quelle pertinence! Je comprends que le Préfet tienne à vous. Mais j'aimerais remercier cet homme, ceint de lauriers et qui me veut du bien. Savez-vous que sa réputation a dépassé la méditerranée, chacun le connait de la Côte d'Ivoire au Mali. L'Arabie a vénéré Laurence, pour l'Afrique le Ceint homme se nomme Eric. Comment lui dire "Merci"?
-Vous pourriez préparer un discours, voire plusieurs... Et, puisque je sens un franc courant de sympathie entre nous, permettez-moi de vous parler à coeur ouvert, en fait il aurait été heureux que vous lui proposiez une série de discours, non pas pour la réception, le ministre dira tout. Il préfèrerait que vous soyez complémentaire...
-Que je ne dise rien?
-Voilà, mais en contrepartie vous prévoiriez une intervention chaque jour à l'antenne sur un de ses amis...
-À qui pensiez-vous? À qui pensait-il?
-Dominique de Villepin, François Copé... Allo? Allo? Mais qui nous a coupé?
Personnellement, la médaille me semblait insuffisante. Je ne vois qu'un autre moyen de le calmer, il va falloir s'y résoudre, le cas Guyon devient une affaire, chaque matin les infos ce n'est plus à 8 heures, mais à 7h55. Je vais suggérer la seule solution, et finalement notre dernière chance.
Tout doit commencer par un appel de la Chancellerie:
-Ici le directeur de cabinet de la Présidence, Stéphane Guillon, vous venez de sauver Nicolas Sarkozy, il ne sait comment vous remercier.
-Vous me voyez surpris, tel Pinot, je ne suis que "Stéphane simple humoriste".
-Et pourtant vous l'avez fait!
-Quoi donc?
-Sauver notre Président.
-C'était involontaire.
-Votre geste n'en devient que plus grand.
-Je fais tellement de choses que j'en oublie lesquelles, rappelez-moi, cette vie, cette famille sauvée...
-La famille, ce n'est pas sûr...
-Pardon?
-C'était un aparté. Poursuivez.
-L'opérette ressucitée...
-Je ne comprends pas?
-Nous avions le benjamin Roberto Alania, il fallait une jeune soprano.
-Passons. Je vais vous rappeler ce moment, vous avez vécu une vision: "Le crash de l'avion de Nicolas Sarkozy", n'est-ce pas?
-Oui, mais ce que vous me demandez est impossible, je ne m'excuse jamais.
-Au contraire le Président aurait voulu vous remercier. Mitterrand faisait confiance à Elisabeth Tessier, et nous c'est à vous. Si le Président avait pris l'avion pour se rendre aux funérailles de Lech Kaczynski, le nuage du volcan aurait rendu opaque le pare-brise du cockpit, les instruments de navigation se seraient déréglés, les moteurs coupés. L'avion se serait crashé sur Katyn, sur l'appareil du président polonais! Comble de l'épouvante, sur la dépouille du Président à moitié enseveli et sur le Président Poutine venu se recueillir! Quel horrible Carpaccio...
-Vous êtes pire que moi.
-Non j'évoquais le peintre Carpaccio, l'auteur de "La Mort de Saint Jérôme"...
-Pardonnez-moi.
-Pour tout vous dire, le Président pensait à vous pour un ministère, il a vu Besson à l'oeuvre, passionné par sa mission et, comble du paradoxe, plus efficace qu'un Jean-Marie. Pareil avec la beurette chargée de la justice. Certains placés à contre-emploi se découvrent et vont se dépasser, ils en sont presque étonnés! Alors vous, vous êtes tellement à l'envers de ce qu'on espère que ça pourrait être grandiose.
Mais voilà il faudrait réaliser ça rapidement, avant qu'il nous fasse son Colucci et qu'il décide de se présenter aux présidentielles avec Roumanoff...