En un temps peu précis, en un lieu mal défini, disons dans un bourg dément puisque peuplé d’animaux, naquit un bébé dans le nid d’une colombe. Pourtant la belle jura que ses œufs étaient encore en elle, qu’il était donc tombé du ciel. Elle ne comprenait pas pourquoi sa teinte était si sombre, sa maladresse sans égale, en une phrase pourquoi il se différenciait tant de ses parents. Lui comme chaque enfant voulait plaire à ceux qui le choyaient et il s’entraina à voler mais rien à faire il ne décollait pas. Pourtant il avait bien remarqué à mesure qu’il grandissait comment sa terre fonctionnait. Vautours, aigles, busards se partageaient le territoire et fondaient sur la cible qu’ils désignaient de leur bec lorsque la nécessité le leur commandait ou lorsque l’oisiveté leur pesait.
Au sol, la vie se poursuivait, chacun s’organisait, se protégeait. Mésanges et pigeons surveillaient le ciel redoutable, pendant que souriceaux et cochons d’inde triaient, ramassaient et stockaient graines et noisettes. L’adorable maman chercha un moyen de protéger ce bébé victime de quolibets. Elle se confia à une amie, Fifi la saumâtre, une souris vert de gris qui adorait le Hibiki, célèbre whisky qu’elle dégustait avec son vieil ami Pappy. Fifi promit son aide à Mommy. Elle descendit la rivière, lança du pain et du maïs à Pappy, poisson redoutable qui régnait dans la vase et se vantait d’y faire tomber des géants. Après moult compliments puis suppléments de nourriture, après quelques moments de tendresse le roi des ondes expliqua comment l’enfant grandirait pour devenir comme lui Neptune ou même Zeus mais, soyons sérieux… plutôt un dieu de son petit monde. Contre un nouvel instant d’égarement il lui offrit un cadeau destiné à celui qui deviendrait son pair.
Il ne resta plus qu’à prévenir la douce mère de la contrainte qu’elle devrait honorer régulièrement. Il s’agissait de peindre des plumes sur le corps du petit pour en faire… au moins un volatile, espérait-elle, si ce n’est un seigneur. Curieusement jour après jour, il progressa et finit par s’envoler.
Je tutoierai les rois, se jurait-il. Il est vrai que les condors, surpris et amusés, le laissaient battre des ailes. Mais à monter si haut, le soleil qu’il pensait un jour diriger, lui infligea un début de cécité. Ses rayons l’empêchèrent de dominer le jour et le contraignirent à préférer les nuits. Il ne serait jamais un aigle. La lumière le transformait en kétoupa, la mascotte... des sorcières dit-on.
De retour chez les siens il décida d’organiser la résistance aux maitres des cieux, à ceux de là-haut, ceux qui faisaient d’eux des féaux. Une réunion eut lieu, car souris grises, hamsters beiges, cobayes blancs prévoyaient de les affronter. Il choisit d’aller ronronner auprès des autorités brunes car elles représentaient le plus grand nombre. Après moult courbettes, larmes et boniments on l’élut Roi des hamsters, roi des beiges. Il fallut ensuite convaincre les autres. Il était le seul à tutoyer… au moins les nuages. Et puisqu’il en fallait un, on le prit.
Il découvrit alors qu’au lieu d’un bec, lui poussaient des dents ! Il avait bien l’âme d’un président. Il installerait un gouvernement.