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On lui avait tous dit: "Stephane si tu ne rentres pas dans le rang, tu vas disparaitre de "France Inter News", on ne te voyait pas souvent dans ce magazine, mais là ça sera pour de bon! Définitif! Fais le beauf, c'est pas si compliqué que ça. Le pire, c'est que le public va croire que tu es mort ou que tu as jeté l'éponge pour la politique. Ils ne réserveront même plus pour tes spectacles et tu te retrouveras tout seul dans la salle. Personne ne t'empèche de jouer les Rambo avec les ministres, mais pourquoi arroser Bachelot ou Besson, choisis plutôt les "We are the best" comme Idrac ou Apparu, puis oublie ton inspiration, fais appel à un nègre issu de l'administration pour écrire ton texte, nappe de poussière, saupoudre de tristesse et là on te garde 20 ans!"
Il nous avait répondu un peu fièrement: "Vous vous trompez, je suis totalement en phase avec mon chef!".
Incroyable! Il poursuivit:
"Il m'a invité au Louvre dernièrement, contrairement aux apparences, on est très proche et il m'a avoué: "Tu vois je suis moins classique qu'il n'y parait, entre le "Couronnement de Napoléon" et la"Mort de Socrate" je préfère le deuxième".
Il est plus complexe qu'il ne semble mon directeur, il a mêma ajouté "Regarde comme il est détaché ce prince des philosophes, il boit la ciguë et de son doigt dressé il nous donne une leçon et si tu regardes bien c'est comme pour la Joconde on a le sentiment qu'il nous suit du regard, on ne peut échapper à son discours, son message il le délivre à tous".
À ce moment là il m'a fait un aveu: "On en a discuté avec les autres chroniqueurs, à la place de ce breuvage, tu aurais été à sa place qu'est-ce que tu aurais choisi?"
Au début je n'ai pas bien compris, il a repris: "La poëlée d'amanites, le lait entier au pollonium, une salade catalane avec de l'huile à l'aniline?".
J'ai eu un moment d'hésitation, l'ébauche d'une question m'est venue: "Pourquoi?". Mais je l'ai senti si vrai, mon chef! J'ai apprécié sa sincérité, si rare en politique!"
En fait, le problème c'est que le pollonium ça a été utilisé récemment, pour les champignons il y a des amateurs qui résistent et l'huile ça met du temps. Je pense que c'est la raison qui les a conduit à changer de stratégie. Peu de temps après des rumeurs ont laissé entendre qu'une Légion d'Honneur serait à l'étude, qu'éventuellement il remplacerait son chef, voire qu'une mutation dans un ministère se profilerait.
Malheureusement, à l'évocation de cette hypothèse tout a dérapé, il s'est emparé du trombinoscope du gouvernement et il a revu M.F., de profil, ce fut comme la madeleine pour Proust, ou pour Verlaine le "Rien n'a changé. J'ai tout revu: l'humble tonnelle..." ...et Menton Fuyant!
Il a fallu qu'il se fasse plaisir, qu'il le statufie vivant, il ne pouvait plus attendre, après, tout le monde l'aurait oublié.
Il en a fait un portrait à mi-chemin de Soutine et Picasso, un peu à la Soulages en noir et blanc, pas beaucoup de blanc, mais criant de vérité, pas flatteur, mais tellement vrai. Ce fut une prouesse car à l'image de Victor hugo pour Rodin, Menton Fuyant refusa de poser.
Après, tout s'enchaîna très vite, la décision fut prise de profiter de cet "été indien", on allait scalper les retraites et Stéphane Guillon avant que ce ne soit ce dernier qui écorche Woerth puis le reste du gouvernement.
Mais les légendes sont immortelles, Guillon ne va donc pas mourir. Dommage de placer des banderilles sur un taureau, quand le picador est tombé de cheval à moins de 30% d'opinions favorables, car le torréador gouvernemental risque de devoir courir très vite dans l'arène, et pour freiner l'ardeur de l'animal, se délester d'un Woerth à droite, une Bachelot au centre, un Eric Besson à gauche, Eric qui pour survivre va tenter d'imiter son menton en fuyant.