Pour visiter Angkor, il est nécessaire de trouver une chambre à Siem Reap où se situe un mausolée dédié à ceux qui ont été torturés, ou sont morts enterrés vivants, tués à coups de gourdin et parfois d'une balle de fusil (dans le meilleur des cas). Mon guide m'a raconté son histoire, la terreur qu'il a vécu pendant 4 ans et m'a supplié de le rappeler à mes compatriotes. Je lui ai répondu: "je leur dirai".
17 avril 1975, la guerre est finie, certes les Khmers rouges communistes ont gagné, mais la présence du roi Norodom Sihanouk rassure les cambodgiens hésitants. Malgré tout le personnage demeure ambigü: un roi pro-communiste! De surcroît reçu avec fastes aussi bien à Moscou qu'à Pékin ou à Pyong Yang, et très apprécié des français (foncièrement anti-américains à l'époque).
Les habitants pavoisent et résignés mais patriotes hissent sur les balcons les drapeaux du pays ou des armées khmers rouges en attendant docilement l'arrivée des vainqueurs. Un calme inquiétant s'installe pendant quelques jours puisque les armées "libératrices" communistes restent invisibles. Le silence évoque celui du sniper avant son tir, car la férocité de ce qui va suivre conduira à l'élimination en 4 ans du quart de la population de ce pays. Ceci se passe 30 ans après la shoah, au vu et au su de tout le monde, mais il n'y aura pas de procès de Nuremberg, tout juste 35 ans après une poignée d'accusés dont l'un (Douch), pour avoir torturé lui-même et tué des milliers de personnes sera condamné à 35 ans de prison!
Les troupes arrivent enfin dans Phnom Penh, mais il est ordonné aux habitants de quitter les lieux. Hommes, femmes, enfants, malades, personnes handicapées, s'ils restent, seront exécutés. Les malades ou opérés récents vont mourir, les femmes enceintes accoucheront sur le bord de la route, les enfants en bas âge ne résisteront pas. Les intellectuels sont regroupés et transportés près des futurs charniers qu'ils vont remplir. La terreur s'installe et pour débusquer médecins professeurs avocats on indique par haut parleur que le roi va venir et aimerait rencontrer les anciens représentants de leur ville, ceux qui se font connaitre partiront dans des camions sans jamais revenir. L'autre moyen de les débusquer chez les villageois transformés en paysans, était de pratiquer le test du repiquage: un enfant de treize ans kalachnikov en bandoulière ordonne à six adultes d'effectuer un repiquage de riz en ligne, les deux derniers sont coupables d'être des intellectuels donc éliminés, les autres prouvant leur faculté de travail et montrant qu'ils ne se fatiguent pas, passeront une nuit sur deux à faire leur autocritique.
Pour trouver des forces on mange ce qu'on trouve: la tige du lotus, sa fleur, ses feuilles et les racines. Les mariages sont organisés par les khmers rouges qui choisissent l'homme et la femme qu'ils vont unir. Pour ceux qui sont malades et restent chez eux, les camions passent pour les "ramasser", on ne les reverra plus.
Régulièrement on désigne un traitre battu à mort, pour l'exemple.
Enfin pour améliorer les rendements, faibles puisque les paysans sont devenus pécheurs et inversement, des sacs d'engrais sont épandus dans lesquels on retrouve des doigts, des fémurs, mal brulés.
"Le Monde" mettra du temps à réagir, quant à la France, elle livrera aux khmers rouges les cambodgiens réfugiés sur le sol de son ambassade.