Nurjan exhalait sa jeunesse et sa beauté puisque son métier le lui permettait, elle avait choisi d'être actrice, et elle était devenue la plus célèbre de son pays . Dans ce territoire occupé, son sourire rendait dérisoire toute menace, son charme ridiculisait la supériorité militaire des colonisateurs. Sa liberté de vie rendait incohérents les textes sur l'émancipation des peuples qu'avaient élaborés les intellectuels occidentaux pour justifier l'incursion de leurs armées.
Mais en dominant les envahisseurs elle dépassait leurs vaincus, ces hommes frustes au milieu desquels elle vivait. Et, crime impardonnable, elle avait jeté, comme l'y avaient obligé les soviétiques, cette fameuse cape, la Parandja, qui la recouvrait des pieds à la tête, et dont une petite ouverture était grillagée par du crin de cheval tissé qui avait la propriété de réfléchir les rayons du soleil. Elle permettait d'obtenir cette totale lividité du corps des épouses, si appréciée de leurs possesseurs basanés.
Nurjan ne mourut pas de désespoir d'avoir été interdite du port du voile, elle ne se suicida pas d'avoir perdu à jamais le droit de porter ce catafalque, elle fut tuée à coups de pierres pour avoir refusé de l'endosser, comme des centaines d'autres femmes qui furent lapidées ou lynchées par maris, pères ou frères.
Cette femme était ouzbèque, de la vallée du Ferghana, née dans le même village que cette jeune étudiante dont je fis le discours du mariage en août 2008 à Tachkent, puisqu'elle s'unissait au fils d'un ami.
Et si la mariée portait une robe blanche et un voile de tulle qu'elle releva à la fin de la cérémonie en signe de liberté acquise par cette union, au même moment le pays recommençait d'ensevelir ses femmes sous des burqas noires, les écoles coraniques rouvraient par centaines de Boukhara à Samarcande et les monuments devenaient propriété religieuse.
Une centaine d'années de domination russe n'aura rien changé, comme dans l'Iran du shah, les ayatollahs préparent la déposition du "président" et leur avènement.
Bientôt les femmes redeviendront soumises à leur mari pour le travail, les sorties, les idées, et à leur belle-mère pour la gestion des tâches quotidiennes, ménage, courses, linge etc ... à moins qu'elles ne donnent naissance à un fils, qu'elles n'aient atteint un âge respectable, ou ne soient devenues otins (femme mollah)
Alors, ce proverbe du Tadjikistan dont les frontières s'intriquent avec celles de l'Ouzbékistan dans cette vallée fertile du Ferghana, ce proverbe reprendra toute sa valeur, et il vaudra mieux naître caillou que fille.