Il choisit patiemment une moufette, que craindraient les plus virulents, une lapine pour sa douce pelisse où il se pelotonnerait les pieds, les hivers étaient dit-on très froids, un renard qu’un piège avait rendu boiteux, un dog sage et puissant. Ils élurent domicile dans un vieux phare, dont il lui arrivait de descendre parfois et quand personne ne le regardait il s’aventurait alors jusqu’à une carcasse de bateau. Il sautillait pour aller tout au bout de l’épave puis lançait le cri de guerre que chacun connaissait.
Un soir un vieux phoque qui rêvassait, si enduit de sable que le roi le prit pour un rocher, lui lança : « C’est la poupe, pas la proue ! ». Le roi suffoqua : une pierre qui parle, qui me parle, qui me contrarie et pire me contredit ! « ça peut te porter malheur… » continua l’otarie qui se dandina. D’un dernier mouvement du corps le veau marin glissa vers la vague qui l’emporta. Le roi jura, pesta. Il se retourna. Une planche venait de craquer. Fifi la môme vert de gris arrivait tout essoufflée. « Tu es roi, c’est pour toi. » Elle lui tendit le paquet du vieux Pappy. Il l’ouvrit : « Des pantoufles de vair ? ». Il pensa « C’est le signe d’un grand destin. Au diable ce marsouin ! »
Bientôt des nuages assombrirent le ciel, en fait des nuées de corbeaux que prairies et forêts ne contentaient. Le royaume des hamsters les intéressait. Ils l’encerclèrent, attendirent mais cela ne pouvait suffire. On l’isola puis on le harcela.
La survie s’organisa, certains s’exilèrent. Les rapaces lancèrent les fouines espérant glaner les reliefs. Le monarque les arrêta, il ne les autorisait pas à faire main basse sur son pays… enfin, pas tout de suite !
Il se démena pour trouver le meilleur acheteur. Les prédateurs se bousculaient pensant avaler d’un billet la proie convoitée. Mais le maitre était gourmand, insectes et puceron ne le satisfaisaient pas. Les nécrophages le comprirent et ajoutèrent aux lingots… des souricettes vivantes trépidantes, en un mot aimantes. Mais son appétit devenait insatiable. Le soir, tous les soirs bien tard, le noctambule faisait trembler le phare dans un grand tintamarre. Les filles jappaient, « On est tes groupies, tu es notre vamp ! » hurlaient-elles. Il se regardait avec une moue, ses plumes menaçaient de disparaitre, il fallait qu’il y pense. « Vous attendez les récompenses ? » Son froncement de sourcil fit place à un large sourire. Du geste auguste du semeur il lança pièces et billets. Puis vint la liste, celle des terriers qu’il fallait distribuer aux plus excitées. Quelle belle soirée !
Et le condor passa la tête par l’encoignure de la fenêtre « Tu dors ? » Le roi lui répondit « Jamais de la nuit, que me veux-tu ? » L’oiseau ouvrit un large bec « Le fromage ! Tu en as bien profité, on t’a regardé. On t’a régalé, maintenant on veut des terriers à creuser. » Le roi tergiversa « Je me suis juste amusé avec trois musaraignes qui sont venues pour moi. » L’autre fit claquer son bec « Nenni, tu es en dette, il est temps de casser les noisettes de tes petites bêtes. Confisque-leur le fruit de leur labeur pour le redistribuer… aux deux poches que j’ai sur le coté. Surtout évite les pleurs, invente mille fêtes, mille raisons de t’aimer. Offre-leur le jus de pomme en automne, le vin chaud pour la saint Nico, la limonade lors de la grande parade et en été la glace au thé. Tu glisseras dans les boissons, le philtre que je t’ai préparé, ils vont rêver, t’aimer et travailler, et tu pourras les rançonner. » Le roi opinait « N’oublie pas, imite César pour les nectars, vin chaud-jus de pomme et tu seras leur homme ! »
A SUIVRE...