Ben Ali il y a quelques semaines et Moubarak aujourd'hui, ont dû répondre à cette question du Sphinx que représente la foule: "Tu as fait ramper l'Homme à quatre pattes, tu fus le seul à oser rester debout avec tes amis et l'armée, tu ne fis sortir des geôles que ceux qui tenaient sur des béquilles, qui seras-tu demain?"
Face à cette question fondamentale les réponses des deux présidents furent diamétralement opposées.
Au cours d'un règne, que le gouvernement ait été élu démocratiquement ou non, il peut survenir un moment imprévisible puis immaitrisable et enfin au-delà des lois en place, qui menace d'entrainer une redéfinition du pouvoir politique. Le régnant reconnu, admis ou redouté est toujours tenté, dans un premier temps, de conserver son rôle. Puis entre cet accident de l'Histoire et le pouvoir, l'issue de la confrontation devient incertaine.
Quels éléments vont influer sur l'évolution de la situation?
Les fantômes de Louis XVI, Kerenski, Bakhtiar et du dernier empereur chinois vont hanter les nuits du détenteur de la force, qui craint de finir comme eux. À l'inverse l'exemple d'Ahmadinejad et du premier ministre Thaï encouragerait l'intransigeance du dirigeant en place.
Entre les deux situations se placent les parcours de Dubcek, Walesa et... de Gaulle!
Quel fut la bonne réponse qui permit à la France en 68 de rester en démocratie, comment la légitimité fut-elle conservée?
Le monde venait de changer de donne, Castro, Mao, Kennedy avaient fait croire aux jeunes qu'ils pouvaient rêver d'un monde nouveau à leur portée, comme preuve, en mire la plus forte puissance militaire occidentale était paradoxalement tenue en échec au Vietnam.
En France, Mitterrand avait mis en ballotage de Gaulle et en 67 les élections législatives ne donnaient qu'un siège d'avance à la droite symbolisé par Giscard avec son "oui, mais...".
Dans ce contexte, en 68 Cohn-Bendit lance la contestation étudiante avec son mouvement du 22 mars. Les révoltes sociale et politique emboitent le pas sur un fond persistant de libération des idées et de la sexualité. Marcuse, Reich légitimisent en tant que philosophes cette nouvelle approche de l'Homme et vont au delà du communisme incarné par un Sartre ringardisé.
L'Histoire s'emballe la grève générale est lancée avec manifestations monstres et contre manifestations équivalentes. La chienlit devient chronique, et le 29 mai de Gaulle s'envole en hélicoptère. À son retour la crise sera résolue.
Le tournant se situe là, quelle fut l'idée de génie de notre président?
Quel fut la décision qui permit au chef de l'état de triompher lors des élections un mois plus tard?
C'est en découvrant ce secret que Ben Ali disparut en Arabie Saoudite.
En fait de Gaulle ce jour là, fut totalement désemparé et hésita entre la fuite ( liée à une dépression majeure devant la France qu'il n'impressionnait plus), la force et le suicide. Il chercha initialement à rentrer à Colombey (repli foetal), puis dissuadé par ses proches, il changea de destination et partit vers Münich pour y voir le chef des armées et muscler la riposte. En pleine déprime, accroché à ce passé militaire auquel il doit tout, il venait de prendre sa décision.
Avec les galons de général d'un autre âge il pensait armer les canons de baïonnettes, pour émietter ces fleurs lancées par les hippies, le képi avait fini par tomber comme le rideau poussièreux de la scène d'une salle vide où se serait produit un comique troupier la veille de sa retraite.
Il fallut un brouillard shakespearien pour changer la destinée du héros de la guerre et de notre pays. C'est finalement à Baden Baden que de Gaulle, obligé par la météo, atterrit. Son vieux complice Massu l'accueillit et vraisemblablement grâce cette périphrase de bidasse nommée "nerf de la guerre" qui lui fit l'effet d'un antidépresseur, le militaire put rejoindre le champ de bataille parisien.
Le lendemain Pompidou annonçait la dissolution de l'assemblée et les vieilles combines de politicards remplaçaient les embruns "philosophico-marie-juanesques".
Ben Ali ayant retourné le problème dans tous les sens, choisit de disparaitre car il comprit qu'en Tunisie il ne pouvait compter ni sur Shakespeare ni sur MAMssu et encore moins sur le brouillard!