Cette semaine encore, un journal s’est prêté au jeu sinistre de l’exhumation des corps. Une photo d’Ilan Halimi avant qu’il ne meure a été exposée dans une publication en manque de lecteurs. Or non seulement l’homme en question n’avait pas donné son accord, ni sa famille, mais présenter un jeune, torturé, agonisant avant son décès ne peut être revendiqué comme une marque de respect à son égard. Quels que soient les prétextes invoqués (l’information, la révolte …) et qui seront mis en avant, il est des moyens de vendre qui donnent la nausée, des lecteurs qu’il vaut mieux éviter de garder et de flatter.
Déterrer des morts pour une bonne cause n’existe pas. Et la Science ne peut accepter d’être le paravent d’esprits malsains sinon la société dont elle est issue évoluerait de manière inquiétante. Laissons cette difficile et sale besogne à ceux auxquels cela répugne plus qu’on ne le pense en regardant les séries télé : les enquêteurs.
Pour étoffer mon propos je vous soumets cette histoire vraie.
Il y a quelque temps une personnalité impliquée dans la vie politique de son époque, en charge de hautes responsabilités religieuses, excellait dans chacune de ses interventions au sein de sa cité, ceci ne manqua pas de fasciner un certain nombre de ses concitoyens. Outre les qualités décrites, on le reconnaissait comme le meilleur écrivain de son pays, tout ceci ainsi que sa vie privée très riche subjugua les intellectuels qui lui succédèrent. Or une société de Phrénologie (disparue depuis, je vous rassure), dont les études se situaient au carrefour de la médecine de la psychologie, venait de voir aboutir ses travaux et ceux-ci prouvaient de manière formelle un parallélisme entre la morphologie du crâne et l’intelligence ainsi que le caractère.
Ca vous rappelle 39-45, non chaque siècle a eu ses dingues.
Les membres de la dite société, venant de « franchir un grand pas dans l’histoire de l’humanité », arrivèrent à convaincre le pouvoir qu’en appliquant au cerveau d’un génie les conclusions de leur recherches ils détenaient les clés de l’avenir de toute personne, et osons-le du destin de l’Homme! On déterra donc un corps, et ces « scientifiques » examinèrent, disséquèrent le crâne jour après jour. Effondrés (je l’espère), et pressés par ceux qui regrettaient d’avoir été entraînés dans cette folle galère ils le rendirent à la terre sept jours plus tard.
La science associée au monde politique, comme souvent, tâcha d’oublier son délire, mais l’un des scientifiques ayant fait un moulage du crâne, et celui-ci ayant été déposé dans une vitrine, à coté de la tombe, la démonstration de l'égarement scientifique se trouve à la portée de chaque touriste attentionné. Bien sûr les guides détournent pudiquement leur public de la démonstration que la science peut faire peur.
Mais, au fait, de quel pays pouvait-il s’agir ?
De quel siècle ?
De quel homme célèbre ?
Le corps en question est enterré dans la cathédrale Saint-Patrick en Irlande.
En 1835, c’est le pauvre Jonathan Swift qui fit les frais de ces phrénologues encore en liberté, et lui dont la réplique du crâne demeure la preuve éternelle de la folie humaine.